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K2
6 janvier 2006

LES GRANDS DOSSIERS (1)

Pour en finir avec le 69 entre autres allusions finaudes...

Parmi les innombrables calamités que l’humanité festoyante et associative se coltine goulûment dans une inconscience mère de la vacuité, de l’ennui et de l’alzheimer réunis (une partouze que la morale chrétienne pourrait réprouver), il est une pratique hivernale pas très catholique à la limite du soutenable qu’il convient - enfin- de dénoncer : le loto.

Car le loto, ça se reconnaît à certains indices et à un certain savoir -faire.

Prenons un gymnase ou une salle quelconque dont les abords sont jonchés de voitures garées comme s’il en pleuvait. On arrive près de ladite salle, éclairée et, buvette oblige, bien ultra chauffée.

A l’intérieur, pas un bipède qui ne soit assis dans une position obéissant à un rituel que nous allons montrer tout à l’heure. Car une précision de taille doit être faite illico : se déplacer de son plein gré pour venir goûter aux joies sans mélange de ce jeu peut transformer certains des bipèdes en exemples vivants et modernes flattant les « valeurs » de la société néo-libérale : eh oui, on est là pour gagner.

Mais en principe seulement ,parce qu ’il y a une toute petite nuance : tu peux tout à fait être un gagneur ou un battant, cela ne fera pas pour autant de toi un gagnant. Et tu peux être battu.

En fait, la seule vraie certitude, c’est qu’on en ch… Car , nous y sommes, il fallait bien y venir, oui,  l’aveu est délicat : ce jeu est compliqué.

Passage obligé, à l’entrée, il faut se munir de tickets payants appelés aussi cartes de jeu : elles sont quadrillées et marquées de nombres pouvant aller de 1 à 90 inclus. Ayant un peu entendu parler du système de tirage au sort qui régit le jeu, on se prend alors à penser que diable ça va être long…

Bon, on trouve une table. Et on pose ses cartons. Commence alors pour patienter une observation plus fine de la carte de jeu qui permet d’affirmer qu’il y a 3 lignes et 10 colonnes et qu’elle comporte en tout 15 nombres. Bon sang, nous voilà rassurés : il y a des cases vides. A défaut d’un lot, c’est toujours ça de gagné. 

On met ensuite le grappin sur des coupelles ou des petits sacs contenant le plus souvent des grains de maïs, souvent hors d‘atteinte car déposés en bout de table,  et on attend patiemment qu’ils amènent les poules.

Tout est en place, un dernier essai micro vous zèbre les oreilles et c’est parti. Alors on peut jouer pour la ligne, parfois deux lignes ( très dur nerveusement) et, pour les gros lots, le carton plein ( très très pas facile).

Revenons maintenant au rituel du bipède moyen de loto normal. Quelqu’un dicte des nombres dans le micro, le bipède moyen est penché sur ses cartons lambda, il pose (ou non) des grains de maïs sur certaines cases. Certains bipèdes ont des jetons métalliques qu’ils ramassent à chaque fin de partie à l’aide d’un aimant. Appelons-les bipèdes professionnels car ils possèdent même une boîte pour ranger leurs jetons.

La posture du bipède renseigne sur la nature profonde du joueur, sur l’avancement de la partie et du nombre de grains de maïs qu’il a déjà posés.

S’il est bien penché sur ses cartons, un grain qui roule entre l’index et le pouce, avec de temps à autre un œil noir au voisin qui prend tout le maïs, soit pour jouer soit pour le bouffer, vous pouvez reconnaître l’acharné de base toujours en course pour la couette et sa parure.

S’il est sous la table parce qu’il vient d’échapper son sandwich au pâté en posant par malchance son gobelet de cidre sur le seul grain de maïs qu’il avait placé jusqu’alors, vous avez un spécimen d’amateur dit « de la buvette » qui n’en a rien à branler. Mais ce qui s’appelle RIEN.

Enfin, si quelques grains plus loin, il est toujours sous la table, mettez-le dans la catégorie bourré corps et biens et continuons la partie…

Résumons : il a fallu s’habituer à l’élocution et à l’accent du mec qui dicte, à son rythme, et surtout au bruit des boules dans le panier. Précision importante, le jeu exige qu’on mélange ces p… de boules.

A propos du tirage, il semble que certaines parties soient à la limite de la validité car on entend quelquefois : « le 12 ! ». Et juste après : « le 12 ! ».

Il y a deux thèses en présence pour expliquer ce phénomène :  l’une indique que cela correspondrait à une pratique très répandue dans les lotos avec de vieilles personnes âgées où on répète beaucoup.

Une autre montre qu’il s’agit d’un cas très fréquent de déconcentration et que le deuxième 12 est tout simplement celui de la partie suivante.

Si vous avez bien suivi, il découle logiquement que la thèse 2 correspond parfaitement au cas de l’amateur  dit « de la buvette » dit aussi « il est des nôtres » et dit enfin « patron la même chose ».

Il serait toutefois faux et simpliste de laisser penser qu’il n’existe que 2 types de bipèdes qui font dans la réjouissance numérique. En  réalité, un tas de bipèdes moyens utilise et détourne le jeu à des fins personnelles pour des raisons qui les regardent. Voici quelques exemples particulièrement édifiants.

Il y a la tablée, venue jouer tranquillement en famille, à laquelle la chance sourit peu et qui en profite pour réviser les âges et les dates de naissance. On y apprend donc sans peine que 41 c’est tonton Roger et 90 c’est pépé.

Il n’est pas rare de rencontrer le bipède commentateur et altruiste : «  Les numéros ont pas l’air bien faciles ce coup-ci, alors concentrez-vous ! » ou encore « Entre deux parties, mélangez un peu vos cartes ! »,  quand ce n’est pas « Le 19, ça alors je l’ai tout le temps! » ou son contraire « le 72, je l’ai jamais, c’est pas juste ! » .

Dans tous les cas, il est facile à repérer, il ne la ferme jamais.

Pour finir notre petite tournée des malades de la petite graine jaune, il y a ceux qui profitent d’une malchance persistante pour réviser leurs départements. Il n’est pas certain qu’on y gagne au change, mais on peut ainsi joindre le désagréable à l’inutile en se remettant en tête la  Meurthe-et-Vilaine, la Haute -Seine, les Alpes de Hautes Pyrénées, le Bas Gard, sans oublier la Haute Volta.

Vous l’aurez compris, ce qui compte avec le loto, c’est ce qu’on en fait.

Les parties se succèdent et le dessous des cartons reste obscur. En effet, pour corser la chose, il arrive que lorsqu ’une ligne est annoncée, on continue pour faire une autre ligne et encore une autre pour faire encore gagner des lots sinon des fois non et  c’est vrai aussi pour les jeux à deux lignes mais pas tout le temps, ensuite d’autres fois, et puis à d’autres moments je sais plus j’ai pas écouté.

Bon, on continue. Surgit alors la phrase emblématique du loto : «  Vous pouvez démarquer ! » Ah bon ? je croyais qu‘on continuait. Alors on recommence ? Oui, on recommence, et les grains sur les cases, on les enlève, c’est ça, tout ce boulot pour rien.

Ne perdons toutefois pas de vue que la vraie plaie du loto, c’est les lots. Pas les gros lots genre magnétoscope à salade, sèche-VTT ou lecteur de linge CD. Non, les petits lots qui rallongent la partie comme une sauce graisseuse et qui vous désignent comme un perdant aux  yeux des autres qui vous ont vu les « gagner ».

Le plus souvent, ils sont bien en vue,  amoureusement exposés sur une porte posée sur deux tréteaux et recouverte d‘une nappe à carreaux. Un petit coup d’œil plus tard, la nausée guette entre fleurs séchées, housses de couette, disques d’accordéon … On se dit qu’on gagnerait bien les tréteaux.

Pour ne pas tourner de l’œil, on se dirige alors vers la buvette, d’un pas optimiste et gaillard. Autres tréteaux, autre porte, et autre exposition. Amis de la diététique, bonjour ! 

Il y a un concours de sandwiches, et on a du mal à distinguer les futurs vainqueurs : pâté qui pue ou rillettes pas fraîches ? Les boissons ne sont guère plus reluisantes entre bière chaude et cidre qui n’a jamais pétillé. Et l’autre là-bas, il en a de bonnes, ne démarquez pas ! Mais on est là pour la bonne cause, non ?

Alors on prend un petit sandwich avec beaucoup de pain et un coup de cidre dans un petit gobelet jusqu’au premier trait merci. De quoi plonger dans un état second.

Et, là, quelque chose vous revient, un doute vous prend, qu’il est inutile de dissiper car là réside toute la beauté et le mystère de ces soirées : pour une raison ignorée, elles n’arriveront jamais.

Les poules.

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