Hauts ? (side 3)
Il est temps, chers téléspectateurs, de boucler ce cycle documentaire ! C'est parti...
* * *
Les idéaux finalement, ce serait bien plus les valeurs au quotidien, en fonction des caps qu'on se fixe, certes pas toujours facile quand on est happé, et quand on n'est pas forcément en situation de maîtriser les choses.
Mais c'est ça ou alors la navigation à vue, non ?
Je passe en revue certains points comme ils me viennent...
Quelles que soient les circonstances, avec les autres, être attentif, à l'écoute.
Et, en un mot, réglo. Quelque chose sur quoi je ne me force pas.
J'ai travaillé par exemple dans des écoles où les parents ont juste besoin - sans démagogie -qu'on les considère, qu'on leur parle correctement, pas qu'on leur fasse la leçon, pas qu'on compatisse.
A l'écoute, donc, autant qu'on peut, même s'il y a certains jours où ce n'est pas le jour.
J'aime la discrétion comme une vraie valeur, ne pas envahir ou submerger les autres, ne pas questionner inconsidérément...
C'est - bien sûr - courir le risque de l'indifférence, mais honnêtement je pense que cela ne tient pas longtemps quand le temps passe, le doute se lève rapidement. Faire comprendre à demi-mots qu'on a saisi, qu'on est là, tout un art relationnel en vérité...
Tenir ses promesses, c'est important.
Là, c'est marqué histoire personnelle, mon père ne les tenait pas et, pourtant, il en a fait !!!
Autre point sur quoi je ne transige pas, c'est cette espèce de sport national, "dire du mal", une spécialité dont je me suis aperçu qu'elle me
répugnait quand j'y étais confronté, quand j'en étais l'auditeur.
Toujours dans l'idée de progresser, il y a aussi, en
cas d'erreur, le reconnaître.
J'ai en tête au moment où j'écris deux ou trois exemples (parmi d'autres évidemment) où
j'ai blessé et fait /pu faire du mal, ce sont des circonstances dont je ne
peux être fier.
Mais je ne les évacue pas, elles sont là, comme des signaux,
des alarmes qui me renvoient à mes responsabilités.
Ne pas réécrire l'histoire, ne pas enjoliver ou minimiser, même si avec le recul et le temps, la perception et le regard peuvent changer : savoir qu'en certaines circonstances, ça a été ainsi, qu'on n'a pas été à son avantage... Se regarder dans la glace, encore.
Après, rien d'extraordinaire, je m'efforce
d'être positif, j'aime les complémentarités plutôt que les oppositions
- stériles et quelquefois artificielles.
J'ai appris dans mon parcours à cultiver la sérénité
et la zénitude, la patience, sans trop me forcer, sur un terreau d'origine favorable certes
même si ce fut un peu chamboulé à un moment.
C'est ce qui me fait dire
souvent que rien n'est réellement difficile.
Autre chose de surprenant, notamment pour ceux qui sont sur ce registre, le pouvoir ne m'intéresse pas (ce sont les responsabilités qui m'attirent).
Je ne suis pas dans ce rapport-là, et j'en vois tellement qui sont "plantés" avec ça, englués dans ce marécage... Je suis toujours un peu triste pour eux, comme s'ils s'échappaient à eux-mêmes, en (se) manipulant, en se "la jouant"...
Alors bien sûr, tout ça n'est pas sans défauts ou handicaps.
Au quotidien, il faudrait demander à mon épouse, à mes filles, elles en trouveraient à la pelle, déjà qu'elles disent que je conduis trop lentement !
Des limites.
J'ai toujours du mal avec la futilité, l'insouciance,
même si j'aime bien rire et faire rire, et désarmorcer, protéger.
Après, j'ai compris /admis qu'il y aura toujours de la gravité en moi, mes limites
sont indiscutables sur l'exubérance, je manque parfois de spontanéité,
j'ai tendance à intellectualiser (un peu moins maintenant mais je dois me surveiller !)...
J'ai du mal avec les gens qui se plaignent, qui "s'écoutent trop" en restant inertes, pourtant j'aime bien écouter.
J'ai du mal avec le spectaculaire, le tape à l'oeil. Et ça me fait sûrement rater des choses. Mais tant pis.
Limites !
C'est ainsi, je crois qu'avec ce que j'ai construit, j'ai aussi appris à ne pas/plus "forcer" ma nature. Il y a un moment où l'on sait finalement ce que l'on veut et ne veut pas; cela se clarifie ou s'élucide au fil du temps, avec la meilleure connaissance qu'on a de soi.
Je garde toujours un côté rêveur, contemplatif : je peux m'asseoir sur un banc pratiquement n'importe où et trouver à regarder sans m'ennuyer. Là encore, je touche à mes limites, car je peux avoir l'air absent, je peux "m'abstraire" et ça peut être dur pour mon entourage...
Alors... reprenons : "être quelqu'un de bien" comme idéal, je ne suis pas sûr d'être au clair là-dessus, ça me semble tellement relatif. Je ne m'occupe jamais de savoir ce qu'on pense de moi, j'agis en conscience. Je me sens avec le temps plus lucide, plus disponible aujourd'hui mais
cela ne fait pas office de frein, ni ne bloque d'éventuelles avancées.
De la même manière "faire des choses majeures", honnêtement, pour moi, ça ne parle pas, je ne raisonne pas ainsi, cette hiérarchie ne m'intéresse pas, et je suis à la fois
trop pragmatique et trop moqueur pour ça.
Je retiens mon métier qui me passionne, vraiment, qui m'a
permis d'avancer, de me perfectionner et aussi de m'accomplir. Au service
des autres, avec un certain engagement.
Mais de là à dire que ce sont de grandes choses... Ma prudence devant les "grands mots" peut-être ? Ou bien une manière de garder sa distance, ses distances, et je dirai que j'ai ma "petite philo personnelle portable" qui consiste à s'attacher à bien faire les choses, à ne rien expédier, y consacrer le temps nécessaire.
Le temps c'est important, c'est peut-être le vrai luxe, y compris pour se dire qu'on a toujours et
encore à faire des progrès. Un moyen aussi de "résister" à ce que nous propose l'organisation sociale...
L'indépendance (farouche, parfois) me touche peut-être plus que la liberté... à creuser...
Au bout du bout, l'important est sans doute d'arriver à tenir
une cohérence - même fragile - dans la ligne de conduite qu'on se fixe, dans les valeurs
auxquelles on tient qui déterminent notre rapport au monde chaque
jour.
Avec les contorsions que ça peut occasionner.
Mais l'idée est
quand même de botter en touche le moins souvent possible.
J'en suis là. Je ne révolutionnerai rien. L'utopie collective réaliste que je me propose : je veux être heureux avec ceux que j'aime.