The future now - cd
Peter Hammill - 1978 - The Future Now
Pour
moi l’approche est clairement 33 tours : j’ai encore en mémoire les
deux faces, je me revois me lever pour tourner le disque, souvenirs,souvenirs…
Et la transition qu’elles proposent, de questionnements ou considérations
en rapport à l’individu en face 1 à des interrogations plus collectives
ouvertes sur le monde en face 2.
C’est un album excellent,remarquablement
bien agencé, bien construit. Les interrogations personnelles se déclinent sur
la « face 1 »qui démarre plein pot rageusement avec PUSHING THIRTY ( I’m still fuelled by
fire). Un morceau qui se démarque des
effets de mode, du business musical, des formules à l’emporte-pièce (comment ne
pas penser à NO FUTURE évidemment) et
qui renvoie dos à dos tout ce pas joli joli monde croupir dans son marigot
musical ; rythmique au piano, super sax, la musique montre une belle
énergie, pas mal pour un "vieux" de 30 balais, le message est clair ! Nadir !
THE SECOND HAND
J’aime bien l’ambiance de cette chanson, même si ce qui
s’y dit est un peu obscur. J’y décèle des préoccupations à propos de la
destinée, de ce qu’on envisage jeune , en croyant tout maîtriser … et puis, ce
qu’on constate après, plus vieux, plus sage, plus modeste… Notre destin est-il
tracé ? est-il écrit ? quelle est notre part ? Musicalement je
la ressens comme un blues moderne. Etrange non ?
TRAPPINGS Guitare
acoustique dépouillée, les pièges de la célébrité, le danger d’être surexposé
ou en représentation permanente, et des backing vocals brillants, un peu comme une foule oppressante pour l’individu.
Un morceau d’une lucidité remarquable, qui complète un peu certaine réflexions
déjà entrevues dans « Chameleon ».
THE MOUSETRAP Toujours
cette thématique du piège, mais plus du côté de l’enfermement dans « la représentation »
. A force de s’exposer sur scène, de se
vouer entièrement à la création, que reste-t-il dans l’intimité, dans la vie
personnelle ? Quelle disponibilité ? … Et quels sont les moments vrais,
sincères ? Crucial. Par contre, en ce qui me concerne, peut-être le
morceau le moins « réussi » musicalement parlant.
ENERGY VAMPIRES Est-il
besoin de revenir sur les paroles et l’aliénation, l’obsession ? Musicalement ne pas oublier que
l’alliage violon/guitare nous donne
un morceau très réussi ! Ca grince, c’est indestructible, inépuisable. Et
aussi… un bon « garde-fou » !!!!!
IF I COULD « Relationships »,
mot-clé avec Hammill dans ce qu’il tisse depuis des dizaines et des dizaines
d’années, et dont on se lasse pas : la chanson qui dissèque les relations
amoureuses, l’incompréhension, les non-dits, la rupture éventuellement… Guitares
au premier plan, des chœurs angéliques, un morceau qui va du poignant au
déchirant , évoque le silence en
passant, définitivement somptueux… Une chanson dont on ne peut "venir à bout", dans mon TOP 10
indiscutablement. Fin de la face 1 sur un sommet.
Si
la face 2 est plus nettement expérimentale musicalement ( l’on y trouve des choses
qui seront développées plus tard dans d’autres albums) elle n’en est pas moins
passionnante. Les thèmes abordés resituent l’individu dans le collectif,dans
le champ social et interrogent la question des sciences et du progrès, de la religion,
de la politique et de l’oppression… La place de l’Homme, son rôle et sa responsabilité
dans notre FUTUR. Transition toute faite avec le morceau-titre de l’album, et comment ne pas penser à une
progression « No Future / the future no / the future NOW » ? Un
peu comme si PH prenait au mot le mouvement punk mais en lui disant « et
si on poussait la réflexion un peu plus loin ? » D’où le cri de rage
définitif I WANT THE FUTURE NOW !Superbe ! Et
si cette face 2 est plus ardue, elle montre l’exigence du bonhomme à aller plus loin, à pratiquer musicalement
ce futur dès maintenant et si possible de nous embarquer avec lui. Et ça
marche !
STILL IN THE DARK / MEDIAEVIL 2 morceaux à la thématique voisine, qui tourne autour du dogme
/de la vérité avec un grand V et tout ce que cela propose ou plutôt impose :
-la Science avec Still in the dark, et la toute-puissance que
l’Homme pense aujourd’hui détenir grâce au progrès technologique étant une
source de danger …
-la Religion avec
Mediaevil (jeu sur les mots avec un titre genre mot-valise)… et le
mode de pensée unique qu’elle suppose en pesant sur les consciences ,
et un parallèle avec la société moderne (celle des medias d’aujourd’hui
qui n’est pas sans rappeler une nouvelle Eglise en quelque sorte)
… Prudence, raison et sagesse, si ce n’est humilité… Voilà le message de
PH, humaniste et philosophe, beaucoup plus que polémiste au bout du compte
dans ces domaines qui touchent chacun
d’entre nous. Musicalement excellent avec un très bon piano sur « Still In
The Dark » et surtout un travail impressionnant sur les voix et l’ambiance
littéralement « en cathédrale » dans Mediaevil, un peu précurseur de
ce qu’on retrouvera dans Usher par exemple.
A MOTOR BIKE IN AFRIKA un
morceau que j’adore, un morceau choc, une originalité du traitement avec
musique expérimentalo-bruitiste, PH qui chante et
qui parle, qui dans l’esprit est presque comme un sorcier africain qui implore
et
soulève
des questions sur des frères humains opprimés et torturés… Plus tard, un autre
sorcier, un autre Peter saura en étant très « politiquement
correct »et en étant beaucoup plus
commercial surfer sur cette vague politico-humanitaire et popularisera le nom
de Steven BIKO qu’on trouve dans les lyrics de Motor-bike. Je ne suis pas
vraiment sûr que PH ait apprécié…même si c’était pour la bonne cause.
THE CUT Là encore super guitare et une chanson que je vois
comme une allégorie de
la technologie et du travail de studio dans la création musicale, superbe
adéquation entre fond et forme, le contenu lyrics et le traitement sonore…Et
une espèce de mélancolie ou de désenchantement
dans l’ambiance, comme une peur du vide que la technique pour la technique
pourrait provoquer dans la création…. Magnifique et une transition bidouillage
vers …
PALINURUS (the castaway) On termine ce disque superbement, il est clair qu’il n’y a
décidément rien à jeter ! Le
naufragé /les naufragés : comment survivre quand on ne sait plus dans
quelle direction l’on va… Un morceau qui fait peut-être la synthèse des
préoccupations de l’album du personnel
à l’universel… Ligne mélodique au piano, intimiste, invitant à la réflexion…un
super break en milieu de morceau , de l’harmonica ( !) Album d’une densité et d’une richesse
incroyables, s’y replonger est toujours un plaisir renouvelé ; la pochette (une
des meilleures à mon avis) est forcément intrigante, de la photo à
l’utilisation du noir et blanc sobre et rigoureux …
Un album essentiel, UN
MUST !