Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
K2
19 mars 2007

Lady Chatterley

Le film de Pascale Ferran était à notre programme samedi soir, à un horaire un peu inhabituel, séance à 19h15...
Au sortir d'une semaine placée sous le signe du printemps, tant la météo fut clémente ces jours derniers.


Nous avons passé un superbe moment, d'une grande douceur.
J'avais repéré la durée du film et même entendu dire que 2h38, c'est long. Effectivement - stricto sensu - c'est long, mais c'est le juste temps qu'il faut pour décrire les choses au plus près.
Et je peux vous dire qu'on ne s'ennuie absolument pas une seconde.
Et qu'un film comme ça, on l'emporte avec soi. Après. Et longtemps.

 lc

Situé après la guerre de 14/18, en Angleterre, le film raconte l'histoire de Constance Chatterley dont le mari, notable local,  est infirme de retour de guerre, il ne peut plus marcher. Ils vivent dans leur château avec leur personnel (réduit) et le récit va nous permettre d'accompagner la lente métamorphose (comme une naissance ou une renaissance à la vie ?) de la très pudique et "très comme il faut" Lady Chatterley...qui, pareille à une fleur fânée, est à deux doigts de dépérir d'ennui au moment où débute le film.
Lors d'une promenade sur ses terres, alors qu'elle est chargée de porter un message de son mari au garde-chasse, elle va ressentir un véritable choc émotionnel au spectacle de l'homme en question torse nu, en train de se rafraîchir au coin de sa maison, lui ne se sachant pas observé.
Bouleversement suffisamment important pour que, le soir-même au moment de se coucher, Constance ose (sans doute pour la première fois) s'observer nue devant son miroir, sans pudeur aucune.
Le film va nous raconter la rencontre de ces deux êtres qui vont s'apprivoiser en un apprentissage plus qu'émouvant...

C'est remarquablement filmé, la nature est omniprésente, tous les petits détails - plans sur la mousse des arbres, une source fraîche, les bois en automne, les champs de l'été, les senteurs des sous-bois, les oiseaux et les nuages dans le ciel, la pluie - créent une atmosphère intimiste et une proximité avec les personnages (pour eux, ce sont les attitudes, leur grain de peau, la lumière sur les visages) et leur histoire. Le rapport à la nature n'est pas sans me rappeler celui de Terrence Malick dans le Nouveau Monde.
Sans que cela soit jamais décoratif, esthétisant... ou veuille faire joli. C'est le "vrai" qui est mis en avant. Ainsi apparaît une relation harmonieuse entre le monde extérieur et nos propres mondes intérieurs qui concerne aussi bien les deux personnages que les spectateurs du film.

Une très grande finesse dans la narration permet une immersion subtile et progressive dans le film, sur un tempo intérieur qui va s'imposer à nous, sans violence, comme une évidence, en nous extrayant du quotidien pour nous plonger dans sa bulle.
La lente mais irrésistible éclosion du désir et de la passion entre Constance et Parkin, le garde-chasse, est remarquable dans sa progression. Ils vont comme "s'apprendre" l'un l'autre. Et c'est la singularité de chacun par rapport à son propre "milieu social" qui va lui permettre de s'ouvrir à l'autre. Chacun tour à tour apportant et apprenant.
Lui, qui vit dehors, qui est un peu "brut" apparemment en surface (alors qu'il bouillonne de sensibilité), va lui apporter une certaine spontanéité "physique", une sensitivité pour écouter davantage son corps et son coeur plutôt que raisonner. L'exemple de l'avancée réussie de cet éveil est le passage où elle va courir nue sous la pluie car elle en a simplement envie, elle veut éprouver cette sensation ...et lui ne tardera pas à la rejoindre.   

lc2

Elle, qui appartient à la classe privilégiée et qui s'ennuie, va lui apporter indirectement (car sans aucun calcul, en fait) une certaine reconnaissance - de la considération - alors qu'il fait partie des "petits", des "humbles" et qu'il a une perception dévalorisée de lui-même. Qu'elle aille vers lui - sans se soucier des conventions sociales - le laissera troublé, incertain, ne sera pas sans lui poser question sur l'authenticité des sentiments qu'elle lui porte, sur ses intentions et ...elle sera éblouissante de simplicité dans sa réponse, moment "magique" du film.
Tout le long du film, ce qui touche c'est cette simplicité tranquille des gestes et des mots, comme des témoins de la profondeur des sentiments, des engagements. S'y insinue une humanité vibrante qui ne perd pas de vue la fragilité des  choses (car ils ne se promettent rien) et la fragilité des vies.
Et jamais Pascale Ferran n'oublie de nous faire rire et sourire par petites touches d'humour, légères, vives, enjouées...

Toutes les scènes d'amour sont magnifiques et leur évolution montre le cheminement de cette passion en prenant progressivement plus de temps. Au fil de leurs rencontres, Parkin et Constance se connaissent un peu plus, se construisent et s'apportent  l'un l'autre. Plus ils se "découvrent" et cheminent vers une certaine plénitude, plus la nudité de leurs corps apparaît, comme une évidence. Le spectateur n'est jamais voyeur, non, il est plutôt l'ami invité - presque le complice pourrait-on dire -convié à partager ces émotions universelles. C'est aussi la force de ce film : tout y est toujours très "juste".

lc1

La dernière séquence des "retrouvailles" entre Parkin et Constance est d'une grandeur (je n'ai pas dit grandiloquence) d'une simplicité et d'une émotion à couper le souffle. Intenses, ils se parlent comme jamais ils ne l'ont fait.
Dans une brise légère, sous les arbres.

Et comment voudriez-vous ne pas conclure que ce film est positif ?
Le dernier mot prononcé est  OUI.


* * *   

A N N E X E

Je vous propose deux textes auxquels j'ai repensé, comme des "échos intérieurs"...

1.
Quand vous serez au milieu de la grande vie paysanne,
Au milieu d’un champ dans les loins
0u au coeur d’une forêt en automne,
Vous comprendrez qu’il y a loin de vous
Au coeur du monde
Qu’il y a loin de votre coupe
Aux lèvres de l’éternel,
Et vous écouterez bruire l’automne
Et vous entendrez les feuilles
Tomber de vos arbres intérieurs
Vous entendrez la voix de la terre
Et le présent vous sautera aux yeux
Comme un écureuil qui plonge
Sur l’arbre de la vie.
Croyez en l’extase des nuages
Qui traversent les grands horizons,
Au petit vent du soir
Au coeur de l’été chaud,
Croyez à la douceur d’une amitié
Ou d’un amour,
A la main qui serre votre main
Car demain, mais n’y pensez pas
Demain éclateront peut-être les nuages
Et le vent emportera vos amours,
Tenez-les serrés,
Ne vous endormez pas
Sur un reproche non formulé,
Endormez-vous réconciliés,
Vivez le peu que vous vivez dans la clarté.

Julos Beaucarne, extrait de Mon Terroir C'est Les Galaxies


2.
Sur sa tige de chaleur se balance
La saison indécise

                            Là-bas
Un grand désir de voyage agite
Les entrailles glacées du lac

Des reflets chassent là-haut
La rive offre des gants de mousse à ta blancheur
La lumière boit la lumière dans ta bouche
Ton corps s'ouvre comme un regard
Comme une fleur au soleil d'un regard

Tu t'ouvres
                  Beauté sans appui
Un clignement
Tout se précipite dans un oeil sans fond
                                 Un clignement
Tout reparaît dans le même oeil
                                 

                                  Le monde brille
Tu resplendis à la limite de l'eau et de la lumière
Tu es le beau masque du jour.

Octavio Paz, extrait de Liberté sur parole

Publicité
Publicité
Commentaires
K
Merci ! De quoi passer un superbe moment. Faut pas hésiter à se faire du bien, de nos jours !
M
Merci pour cette longue critique : je vais essayer de le voir rapidement !
K
Et bien merci et tant mieux ! <br /> Ce genre de film plein d'humanité doit vivre! Je pense que si on "attrape" la bonne fréquence,on vit un excellent moment, très positif !
R
Je ne l'ai toujours pas vu, d'ailleurs! Quand j'ai lu le résumé, je me suis dit:"tiens, encore un enième film d'époque gnangnan".<br /> Tu es la deuxième personne a m'en parler de cette manière, ça me donne envie d'aller le voir!
K2
  • description courte (d.c) déconnologie combinatoire (d.c) discontinuité contradictoire (d.c) définition compliquée (d.c) distorsion cohérente (d.c) dispositif caustique (d.c) discrète concision (d.c) double-cloison (d.c) diverses chroniques (d.c)
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité