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K2
1 février 2007

PORTABLE ET SOLITUDE

Un extrait de l'ouvrage : Plus jamais seul (Le phénomène du téléphone portable)de Miguel Benasayag et Angélique Del Rey, (Bayard - 2006).


La fusion communicationnelle a beau nous donner l'illusion que nous ne serons plus jamais seuls, elle vide non seulement  notre rapport au monde et aux autres, mais aussi, ce qui est plus grave, notre rapport à nous-mêmes, à notre intériorité.  J'éprouve une solitude sans moi, je suis vidé de ma substance.
"Plus jamais seuls !" : il y a là une promesse rassurante au premier abord, mais en réalité, et plus profondément, une menace qui signifie "plus jamais avec moi-même".
 
 Voici une expérience : Je suis chez moi avec des amis, on me regarde, je me sens exister. Les premiers à partir permettent que la discussion s'anime : on peut parler mal d'eux… J'ai mon identité, confirmée par la critique de l'autre. Mais, catastrophe, quand le dernier invité part, j'éprouve quelque chose d'étonnant : non pas qu'il soit parti avec l'argenterie, pire encore, il est parti avec ce "moi-même" qui était si joyeux et présent pendant toute la soirée. Le dernier parti, je me sens abandonné de moi-même. Cette solitude-là est la solitude du vide : je me jette alors sur mon portable, je me plonge dans la fusion communicationnelle pour pallier l'angoisse de cet abandon.

 Notre époque est à proprement parler malade de ce premier niveau de solitude. Nos contemporains ont besoin de se procurer des mécanismes divers et variés qui leur permettent d'exister sans tomber dans leur propre vide intérieur. C'est ici que le portable intervient, et, en nous promettant de ne plus jamais connaître cette solitude-là, ne fait que la creuser.

Il existe un deuxième niveau de solitude, qui est beaucoup plus profond et fondamental. Pour le dire ainsi, il y a une solitude pleine que nos contemporains craignent d'affronter et qui, pourtant, est essentielle pour ne pas vivre la solitude comme un vide. C'est celle qui existe au-delà de toute intersubjectivité. Celle qui consiste à assumer le fait que nous sommes tous des êtres humains porteurs de toutes les questions de l'humanité. Nous sommes seuls face à des réalités qui nous fondent et nous débordent, telles que la vie, la mort, la pensée, etc.

Nous pouvons être plusieurs ensemble à partager la solitude de notre étonnement face au moindre mystère de l'organisation de la vie, comme nous pouvons être seuls à deux en partageant l'expérience amoureuse, comme le font les amants. Dans cette solitude fondamentale, je suis en dialogue avec moi-même. Mais je peux aussi l'éprouver comme trop difficile à assumer : j'ai alors besoin tout le temps de quelqu'un qui me donne la "répartie".

* * *

J'aime bien comment le paradoxe est traité, se retrouver foncièrement seul alors qu'on est relié...

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