Steve Winwood, un musicien

Parmi mes artistes préférés, il est temps de parler de Steve Winwood, un musicien anglais parfois un peu méconnu des audiences mais indiscutablement très estimé de ses confrères qui l'ont notamment toujours beaucoup sollicité pour des sessions studio. 

Né en 1948, Winwood , enfant des sixties, est un musicien dont les racines sont ancrées dans le blues et le jazz. Il a joué très jeune avec son frère (Muff Winwood) dans les pubs, à l'orgue et au piano, dans le Spencer Davis Group. Il est rapidement repéré par sa magnifique voix "soul" profonde, émouvante sur des reprises de Ray Charles.

Après quelques années avec le SDG, il passe à autre chose et ce sera TRAFFIC un groupe phare des années 68/ 74. Après un départ résolument pop avec, outre Winwood -chant guitare piano orgue,  Dave Mason - voix, guitare /Chris Wood - saxes et flûtes /Jim Capaldi - voix, batterie percussion, TRAFFIC va expérimenter musicalement en proposant une musique pleine de feeling, très mélodique mais synthétisant la pop le rock le jazz le blues le folk. De longues "jam sessions" deviendront la marque du groupe aussi bien pour composer les albums que pour les prestations sur scène.
Cela se fera d'ailleurs sans Mason qui multipliera les entrées et sorties du groupe entre 68 et 71, preuve d'une cohabitation difficile en raison de divergences sur la musique à jouer.

Précisons également que Winwood lui-même lâchera Traffic courant 1969 pour rejoindre Eric Clapton dans BLIND FAITH, "un super-groupe" (comme on disait en ce temps-là) qui ne fonctionnera que le temps d'un album, excellent d'ailleurs où l'on trouve Ginger BAKER et Rick GRECH. Le morceau CAN'T FIND MY WAY HOME à la guitare acoustique figure sur l'album.

Ce n'est qu'après cette parenthèse que TRAFFIC (reformé avec les seuls Winwood, Capaldi et Wood) produira l'album emblématique, véritable synthèse musicale de leur style, JOHN BARLEYCORN MUST DIE en 1970. La suite verra encore de très beaux albums, avec quelques musiciens additionnels comme on dit, jusqu'en 1974 avec WHEN THE EAGLE FLIES où apparaissent des synthétiseurs magnifiquement utilisés. Toute une époque certes, mais cet album n'a pas vieilli.

Ensuite Winwood part en solo et publie "Steve Winwood" en 77. Un échec au milieu du punk !

Les années 80 sont plus "soft", Winwood est sur des formats courts avec 2 albums en 82 (Arc of a diver)et 83 (Talking Back to the night) où il compose, joue et produit tout absolument seul, démontrant qu'il est un multi-instrumentiste sans faille.  Sa voix " soul blanche" est toujours là, envoûtante, et l'émotion passe malgré un recours aux synthétiseurs un peu étouffant. Ces albums contiennent des perles pop-rock qui montrent que le talent de Winwood est intact.
Une coupure et retour en 86 avec BACK IN THE HIGH LIFE gros succès commercial, morceaux soul et funk très léchés typiques de l'époque, puis en 88 ROLL WITH IT. C'est la période américaine, délibérément orientée vers la pop puissante et efficace, mais ça ne dure pas, car il semble que Winwood ne soit pas entièrement à l'aise dans un tel système.
En 90, paraît REFUGEES OF THE HEART qui se démarque un peu de la fin des 80s et retrouve des accents plus intimistes.
Retour en 94 avec TRAFFIC,à la surprise générale, où il retrouve Jim Capaldi, ils sont les deux seuls "survivants" du Traffic des années 70 et produisent un album FAR FROM HOME tout-à-fait digne de l'héritage 70s du groupe et qui contient de  belles envolées même si la production, le son se sont nettement modernisés.

Ensuite, ça se ralentit, Winwood participe à de nombreux festivals aux USA, joue sur d'autres albums que les siens, pour arriver à 1997 JUNCTION SEVEN qui est vraiment le plus faible de sa carrière à mon avis : étouffé par une production synthétique, sans morceau fort qui accroche d'emblée, misant sur un funk rock daté, sans doute mal entouré, Winwood semble vraiment sans inspiration...

Il en tire les conséquences, monte son propre label, fait le point pour arriver à 2003 ABOUT TIME un magnifique album très "soul" où il joue majoritairement de l'orgue hammond !
Grand retour en vérité, avec des musiciens latino-américains (en particulier le guitariste brésilien José NETO), ponctué par des tournées plus régulières aux USA et en Europe, ce qui me donnera (en famille) la chance de le voir avec son groupe en juin 2006 à Paris, à la Cigale, pour 2h30 d'un concert chaleureux et dévastateur, où la priorité était le plaisir de la musique, de la jouer (Winwood toujours assis à l'orgue, à quelques morceaux près où il empoigne sa guitare et sa mandoline). Jouer et partager. En toute simplicité.

Winwood, multi-instrumentiste, est un excellent pianiste et organiste et, à mon avis,se trouve largement sous-estimé comme guitariste. Quant à sa voix, elle recèle des nuances dans les inflexions, un phrasé qui en font un vrai chanteur soul qui transmet chaleur et émotion, dans un intimisme qui vous remue au plus profond ...
Winwood aime partager sur scène, son approche musicale le pousse à jammer, expérimenter au point que ses morceaux sont souvent étirés, enrichis d'impros et de soli comme pratiquent les groupes de jazz. Il ne tire pas la couverture à lui non plus, la marque des vraiment grands.
S'il se situe (et fort bien) au carrefour de divers influences et styles, il n'est pas pour autant tombé dans une impasse musicale et produit au contraire une musique riche, vivante, chaude et pleine de bonnes vibrations.

Depuis 2003, question album studio, on attend la suite, mais ....ça devrait arriver courant 2007 !

Pour une info complète, couvrant presque 40 ans de carrière, voyez ici : 
http://stevewinwood.com/