Shutter Island
Teddy Daniels et Chuck Aule sont deux agents fédéraux en
route vers une île inhospitalière (forcément !) et située au large de Boston où ils vont enquêter sur une patiente mystérieusement disparue.
Kingley Di Caprio Ruffalo
Le film démarre sur des bases flottantes, et pour cause : on est sur un bateau qui déchire la brume, en une très belle image, une entrée prometteuse. On sent qu’on pénètre avec eux dans un univers clos et instable, l’île, l’asile, les patients, les responsables, tout est forcément sujet à caution, à vérifier, relatif. Le doute, l’ambiguïté règnent en maîtres.
Et vite, il va être très
difficile d’échapper à l’imagerie et aux clichés du lieu (falaises, vagues, vent, phare) et au décor des années 50 : c’est voulu -très
certainement- mais bon sang que c’est surligné ! C'est la première alerte, grosse musique qui cogne: peu suggestif, trop
explicite, ce sera permanent, hélas, à mon goût. Donc dur de s'en remettre. Et ce qui sera
vraiment réussi dans le film sera pour moi le côté labyrinthique des
déambulations.
Pour le reste, et sans dévoiler l'histoire, est-ce que
ça «fonctionne» comme film ?
Pas vraiment... L’ensemble m’a
laissé froid, un peu interdit, mais ce n’est pas parce qu’il m’a paralysé de
peur ou d’effroi. Même pas peur ! Ce qui est
plus surprenant c’est qu’il m’a fallu m’accrocher pour ne pas sombrer, pour
m’intéresser au film jusqu'au bout. Il ne manquait pourtant aucun bouton de
guêtre, et comme Scorsese n'a pas rechigné question «effets », les chocs s’accumulent, mais malheureusement ils ne « rebondissent » pas.
Non, il y a comme un
problème de dynamique, un échec dans la montée en puissance ...
De multiples
citations ou références notamment cinéphiliques viennent chatouiller notre
intellect, des clins d’oeil à d’autres cinémas Fuller, Hitchcock, ou même
Lynch éventuellement. Mais l’ensemble
peine à faire sens, échoue à former un réseau ou un tissu un peu dense et
cohérent, une trame qui resterait libre et ouverte à l’interprétation.
Tout ça tombe quand
même pas mal à plat.
Démonstratif, puissant mais complètement inadapté et inefficace.
Alors bien sûr, on pourrait dire que j'étais désavantagé puisque je connaissais déjà l'histoire : roman lu et apprécié il y a 4/5 ans, adaptation BD lue également il y a 2 ans à peu près, c'est d'ailleurs une réussite.
Je me suis donc attaché (beaucoup) au traitement, à l'adaptation... Que je trouve vraiment très moyens. Des longueurs quand même, des moments d'ennui que j'ai déjà évoqués, une musique tout sauf réussie, des surlignages nombreux...
Le plus terrible c'est quand même Dachau, c'est très très mauvais.
Et ne parlons pas de la fin, avec un flashback au bord du lac qui est absolument inutile (on avait compris !) et qui en plus "casse" la conclusion, lui faisant perdre toute sa force potentielle.
Voilà, j'attendais un "petit plus" de la part de Scorsese quand même, mais c'est peut-être un contresens de ma part, au vu de son cinéma depuis une dizaine d'années...
Là on a quand même une grosse machine, ça manque énormément de subtilité, d'autant plus qu'à mon avis, le sujet était suffisamment fort en lui-même.
Cela me conduit à penser que Scorsese n'était sans doute pas - en raison de son style, de sa manière - le plus à même de mener à bien cette affaire, avec son enthousiasme peut-être mais aussi ses gros sabots.
Dommage, car dans un film plutôt "mental", tout ne devait pas forcément être donné à voir, comme le fait Scorsese aux commandes de son Boeing. Il n'a pas su mettre en scène l'indicible et l'invisible.
Je ne dirai rien sur Di Caprio, dont je persiste à penser simultanément qu'il se bonifie progressivement et que Scorsese lui donne à joue des rôles pour lesquels il peine, dans celui-ci par exemple, il a quand même tendance à grimacer... Bref, pas d'empathie.
Sinon, la distribution est plutôt solide avec les chevronnés Kingsley et Von Sydow, un très bon Mark Ruffalo et Patricia Clarkson que j'apprécie toujours beaucoup.
Certains patients interrogés au début sont pas mal, d'autres personnages sont plus anecdotiques ou même ...fades (l'épouse).
En conclusion, à voir si on ne connaît rien à l'histoire, si on n'a pas lu le roman: cela me semble parfaitement jouable et divertissant.
Dans tous les autres cas, à éviter.