l'eau la terre l'air
Paul Eluard, mis en musique par Julos Beaucarne, ça vaut le détour d'oreille. Le poème qui suit, c'est une évidence, tient debout tout seul - déjà - et je l'ai découvert aux alentours de 1980 quand Julos l'a chanté dans l'album "Chandeleur Septante-Cinq" un disque déchirant marqué par une douleur immense, après l'assassinat de sa femme.
J'ai toujours profondément aimé que Julos exprime -- dans ce disque-là particulièrement -- toute l'humanité de son âme, comme s'il était aller puiser au plus profond de lui des particules de vie, coûte que coûte, comme s'il ne devait pas se laisser engloutir par le chagrin et encore moins submerger par la haine. Magnifique et digne.
Julos est décidément un grand bonhomme de la poésie contemporaine parlée et chantée.
Je fis un feu, l'azur
m'ayant abandonné,
Un
feu pour être son ami,
Un
feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver,
Un
feu pour vivre mieux
Je lui donnai ce que le
jour m'avait donné:
Les
forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes,
Les
nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés,
Les
insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes
Je vécus au seul bruit des flammes
crépitantes
Au
seul parfum de leur chaleur;
J'étais
comme un bateau coulant dans l'eau fermée,
Comme
un mort je n'avais qu'un unique élément.
Paul ELUARD, Le Livre ouvert I 1938-1940